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Honorer un proche disparu avec des paroles uniques

sur une mélodie connue de tous.

A ma douce Grand-Mère

Ô ma douce grand-mère
Toi que j’ai adorée
Je t’ai gardée si claire
Dans toutes mes pensées
 
Rien ne pourra m’en défaire
Pas même cette éternité.
 
Portant ta petite laine
En cette fin d’été
Tu me confiais les tranches
D’une vie écoulée.
 
Rien ne pourra se refaire
Drame du temps épuisé.
 
Si vive, tu ne flanches
Jamais, quelle dignité !
Dans ton jardin j’aspire
A cette liberté.

 

Rien ne pourra se parfaire
Sans nos anciens à aimer.
 
Tu étais un sourire
Pour mes jeunes années :
Un petit-fils qui ose
Chanter à tes côtés.
 
Rien ne mordra sur cette aire
Fontésole à partager.
 
Toi Grand-Mère sans pause
Toujours bien occupée,
Ce n’est pas un délire
De te voir exister.
 
Tout devrait pouvoir se faire
Avec toi à honorer.

 

(Sur l'air de "A la claire fontaine")

Avec moi, l’affection a été totale jusqu’au bout ; elle m’a soutenu quels que soient mes choix. Emportée au néant, mais vivante dans nos pensées, son sourire, ses yeux malicieux toujours là pour apaiser nos tourments d’adultes en devenir.

 

Ma douce, tendre et adorée grand-mère… comment puis-je te rendre hommage ? Par ce que je sais le moins mal faire : écrire pour atténuer le manque. Me voilà orphelin dans cette dimension : je n’ai plus de grands-parents. Première marche vers sa propre fin… L’inéluctable angoisse de passer le relais, de ruminer sa nostalgie, d’accrocher insuffisamment la densité de l’instant pour tendre à le « sur-vivre ».

 

Se laisser submerger par ce qui nous reste du meilleur de l’être aimé que l’on regrette de n’avoir pas vu davantage. Ma tendre et adorée grand-mère serrée contre moi pour la dernière fois au printemps : battante, elle remarchait avec son déambulateur, se forçant à cet effort quotidien qui entretenait sa dignité humaine. Toujours coquette, des escarpins aux pieds, quitte à souffrir à chaque pas, pour ne pas céder à la confortable facilité de grosses Nike ou assimilés.

 

Invraisemblable et absurde pour le commun de mes contemporains, elle était tout entière dans cet acharnement archaïque : point de culte du carpe diem, mais un attachement forcené à son paraître qui allait bien au-delà d’une banale question d’apparence. C’est toute une philosophie de l’effort existentiel qui transparaissait chez elle, comme une vigie urticante pour se rappeler de l’attention constante qu’on doit avoir à se détacher de nos penchants barbares, ceux qui font ressembler certains coins de notre planète à des aires sanglantes. 

Ses escarpins combattaient cette tendance si absorbante au laisser-faire, à l’aune de ses instincts. Son visage respirait ce combat sur elle-même qui, malgré sa place de quasi doyenne de La Providence (sa maison de retraite), tranchait sur la plupart des occupants.

 

Ma princesse-grand-mère avait toute la conscience d’elle-même, n’hésitant jamais à amplifier son désagrément d’être un « poids » pour nous dans telle ou telle situation, ce qu’elle n’a bien sûr jamais été. Ses tendres râlages la mettaient à des années-lumière de la vieillesse impotente qui ne donne plus l’illusion que par ce que la personne a été…

 

Ma grand-mère a été elle-même à chaque instant, totalement en emprise sur le présent, d’une capacité à être par sa tête qui aurait pu faire passer pour de vagues légumes nombre de plus, beaucoup plus jeunes…

 

Ma grand-mère, à embrasser de tout mon amour, n’est plus, et je tourneboule mes souvenirs sans savoir par quelle facette les aborder. Ne sachant résumer en quelques malheureuses paroles, et ne possédant pas une mémoire du détail factuel, je me résous à l’essentiel : lui adresser, par-delà son récent départ, mes plus chaudes et reconnaissantes pensées pour la belle et fabuleuse grand-mère qu’elle n’a jamais cessé d’être.

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